Mémoires d'enfance

« Il est des botanistes qui pour un herbier rassemblent une collection de végétaux, les sèchent et les étiquettent. Il est des botanistes qui parcourent le monde à la recherche d’espèces végétales méconnues pour sauvegarder la biodiversité.

Cette collection de Sophie Blanc nous évoque les herbiers du xixe siècle ou les planches de classification des espèces, mais son œuvre transcende la fixation de la plante dans l’herbier : elle recueille végétaux, souvenir et soleil dans un même mouvement. Et de l’œuvre on peut faire le tour, observer toutes les spécificités du végétal, les jeux d’ombre et de lumière, les transparences.

Ce majestueux herbier de mémoire et de sensations a été imaginé pour la saison d’art 2023 du domaine de Chaumont-sur-Loire, et installé dans la partie haute de l’asinerie, au sein de l’espace consacré autrefois à la bibliothèque.

Au centre de cette installation, une forêt suspendue de graminées : elle semble receler des secrets, nous appelle, nous incite à y plonger, si ce n’est la main, du moins le regard et l’âme.

De chaque côté, des vagues, houle douce soulevant les coquelicots des champs ou ressac plus affirmé des primevères officinales, coucous de notre enfance. Les samares d’érable, serrées comme un chœur antique, n’esquissent pas leur chute en hélice mais se tendent vers le ciel, ou déploient largement leurs ailes.

Cette œuvre est saisissante par son contraste entre l’infiniment petit et le spectaculaire. Dans ces vitrines, le fragile, l’invisible devient forêt. Et, tandis qu’elles prennent la stature des chênes centenaires auprès desquels on rêve et on invente un monde, les agrostides n’ont plus de commun que le nom. »